BARCELONE + 10

 l’immigration  comme « risque transnational » :analyse d’un paradoxe*

* Version provisoire

Professeur Bichara Khader
 
CERMAC

Centre d’Etudes et de Recherches sur le Monde arabe Contemporain

Département des Sciences de la PopulationEt du Développement

Université Catholique de Louvain

Place des doyens 1

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Introduction

Le titre du troisième volet de la Déclaration de Barcelone porte sur le « Partenariat dans les domaines social, culturel et humain : Développer les ressources humaines, favoriser la compréhension entre les cultures et les échanges entre les sociétés civiles». Il compte 14 recommandations notamment le respect des cultures et des religions, le développement des ressources humaines, l’importance du secteur de la santé et du développement social, la contribution de la société civile, le renforcement de la coopération décentralisée, la promotion des échanges entre jeunes et le soutien à l’Etat de droit. Y figurent également 4 questions liées à l’immigration illégale, au terrorisme, à la criminalité internationale, au trafic des drogues.  Ces risques « transnationaux » auraient du figurer dans le premier pilier du Processus de Barcelone.  Et c’est bien le premier paradoxe.  Sans doute pourrait-on alléguer du caractère transversal de ces questions ou de la nature « en piliers » de l’Union Européenne depuis le traité de Maastricht(1992)[1].  Il n’empêche que cette inclusion laisse perplexe surtout quand on sait, comme on le verra par la suite que ces questions ont donné lieu à une série de mesures européennes concrètes qui attestent leur « centralité » dans les préoccupations européennes et la marginalisation conséquente des « autres recommandations ». 

Le deuxième paradoxe tient au fait que la Déclaration de Barcelone à cataloguer l’immigration « illégale » parmi les « risques transnationaux » au même titre que le terrorisme, la criminalité organisée et le trafic de drogues.  Cette criminalisation du « fait migratoire » confère aux politiques européennes un cachet non seulement irréaliste sur le plan politique, mais particulièrement inhumain.

Quant au troisième paradoxe, il découle davantage de la philosophie générale du processus de Barcelone où « l’acharnement sécuritaire européen » semble guider tout le projet au point de faire apparaître le Processus de Barcelone davantage comme un « order –building » que comme un « trust – building » ou à fortiori , un « partnership-building »[2].

Cette note n’ambitionne pas de faire un bilan exhaustif du 3ème volet, encore moins des risques « transnationaux » qui y sont mentionnés ; elle s’attache plus modestement à mettre en exergue la seule question des migrations en rapport avec la libre circulation et le contrôle des frontières extérieures.

I. La Libre circulation et  cordons sanitaires

     L’inversion  des tendances  économiques en Europe, accélérée par les « chocs » pétroliers de 1973 et 1979 , a conduit les Etats Européens à revoir leur politique migratoire dans un sens à la fois restrictif(fermeture des frontières),incitatif (politiques d’aide au retour) et positif (mesures d’intégration des immigrés installés, notamment en ce qui concerne le regroupement familial). 

   Si l’intégration demeure aujourd’hui un objet de controverse, c’est qu’elle révèle  le fossé entre les  discours généreux et les réalités observables sur le  terrain .Tandis que les politiques d’aide au retour ont lamentablement échoué ,les immigrés ayant fait le deuil du retour  et le pari pour une sédentarisation durable dans les pays d’accueil, partant que les « flux migratoire, empruntent d’autres voies pour contourner les « cordons sanitaires » (visa, surveillance, contrôle électronique). 

   Est-ce la fin de l’immigration ,comme le pense Catherine Withol de Wanden (le Monde  9-10 juin 2002)ou au contraire est –ce que l’Europe demeure en « situation migratoire » comme le soutient Jacques Barou(2001) ?Je penche pour la deuxième thèse car l’Europe a cru ,peut-être  naïvement ,que le contrôle des frontières externes allait dissuader les candidats à l’entrée dans l’espace européen ,mais, en réalité, le contrôle a eu seulement pour effet d’accélérer l’immigration clandestine, tout en rendant plus sophistiqués les filières des passeurs et plus coûteux le prix exigé pour le passage clandestin. 

   Ainsi, sur les trois volets (retour, fermeture, intégration) les politiques migratoires ont montré leurs limites, voire leurs incohérences .Et cela  dans ce contexte  des années 80 où le Marché Unique se met en place avec ses quatre libertés, notamment la libre circulation des personnes. 

   Si le  visa Schengen a permis de donner l’illusion d’un contrôle aux frontières, il n’a pas empêché ,pour autant ,l’immigration, surtout clandestine. On navigue dés lors dans le cafouillage où cohabitent, dans l’incohérence, des discours  et des mesures sécuritaires (contrôle, visas, limitation du recours au droit d’asile etc.) et des pratiques réalistes d’appareils étatiques nationaux qui recourent périodiquement à des régularisations d’immigrés  dits « illégaux ».On est allé même ,au Conseil de Séville, tout en proposant aux pays d’origine un partenariat afin de tarir les flux migratoires à la source, jusqu’à agiter la menace de « lier l’aide au développement  à la maîtrise de l’immigration de  départ » voire de  sanctionner les Etats récalcitrants. C’est dans cet esprit que le 13 juin 2002, le Conseil adoptait un programme d’action concernant la coopération administrative dans les domaines des frontières extérieures, des visas, de l’asile et de l’immigration, que la Commission publie sa Communication (564 final , 14 octobre 2002) sur la politique européenne de retour pour les clandestins , sur base volontaire ou par la force, et que le conseil du 26 oct. 2004 adoptait le règlement (CE/n°2007/2004) portant création d’une Agence internationale pour la gestion et la coopération opérationnelles aux frontières extérieures de Etats membres de l’U.E.

Ainsi, le dispositif du contrôle des frontières extérieures se fait de plus en plus sophistiqué.  Le 13 déc.2004 le Conseil adopte un règlement établissant l’obligation faite aux services nationaux de procéder au « compostage »systématique des documents de voyage à l’entrée de l’espace Schengen.  Tandis que la Commission présente le 28 déc. 2004 le système d’information sur les visas (SIV ou VIS) pour améliorer le contrôle aux frontières extérieures.  Le but est de permettre aux gardes- frontières d’accéder à  une base de données relatives :

-         aux visas (visas délivrés, annulés et refusés)

-         aux données biométriques du titulaire

Le contrôle des frontières est mené aux point de passages autorisés sur tout le pourtour de l’UE et au sein même de l’UE (aéroports et gares ferroviaires).

Mais il n’y a pas seulement le contrôle aux frontières extérieures.  Il y a aussi la surveillance des frontières intérieures.  Déjà dans sa communication du 7 mai 2002, la commission avait proposé l’établissement d’un « corps européen de garde-frontière » afin d’assurer des missions de surveillance.  Une agence communautaire ad-hoc, prévue par le règlement du 24 oct. 2004, est même sur pied en 2005 .  Cette agence est censée intégrer les centres créés dans le cadre de projets pilote menés par les Etats membres : c’est-à-dire

- celui de Berlin (pour les frontières terrestres)

- celui de Rome (pour les frontières aériennes)

- celui du Pirée (pour les frontières maritimes)

- et celui de Madrid (pour les frontières de la Méditerranée Occidentale)

   Dans la  même foulée, les Etats européens renforcent leur dispositif législatif dans un sens plus restrictif : la Ley de Extranjeria espagnole de 2003 durcit les critères de sélection ,le projet de loi allemande « Refondation de la gestion de l’immigration »,adopté en 2004,va dans le  sens d’une ouverture sélective, tandis que la loi anglaise de novembre 2002 « Nationalité, Immigraion et Droit d’Asile » veut lutter contre l’immigration  clandestine et limiter le droit d’asile ,etc). 

II. Une politique Européenne de l’immigration

Derrière les mesures de contrôle ou de surveillance préconisées ou adoptées par les instances communautaires et les politiques restrictives adoptées par les Etats membres, il y a certes une préoccupation sécuritaire, qui surtout après le 11 septembre 2001, sous-tend toute l’approche communautaire de la libre circulation.  Mais, il y a, à l’évidence, d’autres préoccupations.  On évoque pêle-mêle la dégradation de l’environnement qui résulterait d’un afflux massif de population étrangère, le risque excessif de pression sur les systèmes de protection sociale, le danger d’une « érosion » de l’identité collective par absorption d’une population étrangère aux caractéristiques socioculturelles et religieuses différentes, une possible concurrence sur le marché de l’emploi et une forte pression à la baisse des salaires.  Autant d’arguments qui occultent les apports positifs des flux migratoires sur le plan économique, démographique et culturel.

Si l’UE se met à « légiférer » et à multiplier les plans d’actions et les règlements en matière de libre circulation, c’est parce qu’il s’est avéré difficile de « réaliser la libre circulation » sans contrôles dans la maison Europe et ne pas devoir, en même temps s’accorder sur les modalités d’accès à cette maison commune[3].  C’est donc dans le troisième pilier de Maastricht (1992) : Justice et Affaires intérieures (J.A.I.) puis dans le titre IV du traité d’Amsterdam (1997) que trouve naissance la politique européenne d’immigration et d’asile, complément logique de la libre circulation.

Mais, paradoxalement, si la politique européenne d’immigration demeure dans les limbes, la coordination des politiques de visa et d’asile semble donner des résultats plus probants.

En ce qui concerne les visas, les Etats membres se sont accordés sur un modèle commun de visa pour l’Europe ainsi que sur une liste des Etats tiers dont les ressortissants doivent avoir un visa.  Aujourd’hui, les pays arabes méditerranéens figurent sur cette liste.  Mais, les pays d’Europe Centrale et la plupart des pays de l’Amérique du Sud ne figurent plus sur cette liste.  Discrimination évidente qui en dit long sur la perception de la Méditerranée comme « un arc de crise et d’insécurité ».

Si l’imposition du visa est censée assurer la « sécurité des citoyens » en prévenant les actes du terrorisme et l’immigration clandestine, alors, force est de reconnaître que l’objectif est loin d’avoir été atteint, comme l’attestent   les attentats terroristes  perpétrés en Europe ,  la multiplication du nombre d’immigrés en Espagne par 7 entre 1992 et 2004  et la multiplication du nombre d’immigrés en Italie par 3O entre 1970 et 2004 et par  2 entre 2000 et 2004 (passant de 1.341.000 en 2000 à 2.730.000 en 2004 ). Sans compter que le visa limite la mobilité temporaire et semble, à l’inverse, encourager à la fois l’immigration clandestine et l’installation définitive.  La suppression des visa pour les pays PECO, avant et après l’adhésion[4], et pour les Américains du Sud ne s’est pas traduite par un afflux massif d’immigrés : le cas les uruguayens (deuxième groupe d’étrangers en Espagne (490.000) après les marocains (505.000)) étant le seul contre exemple avéré.  A la lumière de ce qui précède il est légitime de s’interroger suer l’utilité du visa et se demander si la suppression du visa ne s’impose pas plutôt comme une politique réaliste pour faciliter le processus circulatoire en Méditerranée, voire même la disparition naturelle des filières mafieuses de passeurs afin d’endiguer les flux de l’immigration clandestine.

Conscient  de tout cela, la Parlement européen a essayé d’en tenir compte sans toutefois aller jusqu’à proposer la suppression des visas. En effet, à une proposition de la Commission sur «  les Conditions d’entrée et de séjour des ressortissants des pays tiers pour des raisons de travail  » , le Parlement a jugé p^lus opportun d’ »instaurer un système flexible de visas » (janvier 2003).

III. Les deux frontières

   Au vu de  ces quelques éléments, l’on peut s’interroger sur la notion de frontière externe et sur celle,annexe, de citoyenneté.

En droit, le franchissement de la frontière externe sans autorisation (visa) est un délit. C’est ainsi que l’immigration clandestine est rangée parmi les « menaces » auxquelles  l’Europe doit faire face.  En revanche, la citoyenneté, quant à elle, est conçue comme un privilège. Elle est  la qualité de citoyen qui lui-même appartient à une cité, en reconnaît la juridiction, est habilité  à jouir sur son territoire ,du droit de cité et est astreint aux devoirs correspondants.

   Donc la citoyenneté désigne à la fois un statut actif : la participation par l’exercice des droits politiques ,mais subordonnée à la nationalité ; et un statut   attributif ou passif  qui  garantit à tout résident permanent ,national ou étranger des droits et des libertés opposables à l’Etat. C’est ce qu’on appelle la nouvelle citoyenneté .

  Sur ces deux questions ,frontière et citoyenneté   ,les   paradoxes ne manquent pas. En effet si le franchissement de la frontière est  un délit, la régularisation de la situation de l’immigré dit « irrégulier » n’est-elle pas son effacement ?  De même, si la citoyenneté est résidence et la nationalité est « appartenance »,un étranger régulièrement résident dans un pays européen voit ses droits sociaux et culturels garantis et ses droits politiques fondamentaux restreints. Cela pose alors la question suivante :La nationalité fonctionne-t-elle comme un check-point, un poste- frontière à terme? En d’autres termes, est-il légitime que l’appartenance nationale soit un point de passage obligé pour participer à la démocratie ?

  Allons plus loin .Supposons qu’un immigré a pu franchir la frontière clandestinement, a été régularisé et fini par obtenir la nationalité  et que, dès lors, est à la fois citoyen et national, sera-t-il pour autant intégré ? C’est ici qu’il convient  d’introduire la distinction entre intégration formelle(nationalité) et intégration réelle, c’est-à-dire la socialisation et l’insertion dans la vie collective par l’école, le logement, le travail.

  Ainsi la nationalité ne fait pas sauter tous les verrous des exclusions  sociales. Elle ne garantit pas automatiquement  la  mobilité sociale, c’est-à-dire la circulation dans l’espace social, car partout  se dressent des murs qui « sont ni manifestes, ni intentionnellement érigés et qui sont parfois difficilement visibles »,mais qui expliquent les émeutes sociales (Brixton 1981,Birmingham 1986 etc.)qui  soulignent la polarisation et la ségrégation dans tous ses aspects.

   J’ai tenu à mettre en exergue les deux manières d’envisager la libre circulation :au sens physique (le franchissement de la frontière externe de l’UE) et au sens social (le franchissement des murs des exclusions).Assez naturellement, ce sont toujours les plus dynamiques et les  plus audacieux des immigrés nouveaux qui parviennent à franchir l’une (la frontière) ou des immigrés anciens qui cherchent sans toujours réussir à vaincre les secondes (les exclusions) dans la quête légitime pour les uns de pénétrer dans l’espace interdit(le territoire) et pour les autres de gravir l’échelle de la mobilité (le bien-être).     

IV La méditerranée au cœur du dispositif de contrôle

Il ne faut pas se leurrer : si les textes normatifs européens concernent l’immigration en général et la libre circulation, c’est bien la Méditerranée du Sud qui est l’objet de tous les contrôles et de toutes les préoccupations.  En effet, sur une minorité d’origine étrangère, installée en Europe, de près de 20 millions le contingent méditerranéen (essentiellement du Maghreb et de la Turquie) représente près de 8 à 9 millions. Il est à prévoir que le différentiel démographique entre les deux rives et les différentes structures par âge (où les moins de 20 ans représentent près de 50% de la population arabe de la Méditerranée et 43% de la population turque) et le faible potentiel de création d’emploi accroissent  davantage les désirs de migration. Mais ,en Méditerranée,  cette « mer blanche entre les terres », comme l’appellent les Arabes, on ne circule pas à sa guise.

En effet, dans son format actuel et vu la philosophie générale qui lui sert de soubassement,  le partenariat euro-méditerranéen peut difficilement déboucher sur une véritable zone de libre échange où tout circule.  Certes, les marchandises, les capitaux, les services, peuvent circuler mais les personnes du Sud doivent rester chez elles.  Et c’est bien la critique légitime adressée au partenariat : le souci du protéger les Etats européens l’a emporté sur le souci humaniste de protéger les personnes ?  Non seulement cela est attesté tous les jours, non seulement  par les « espaldas mojadas » des côtes espagnoles(la police espagnole a arrêté en 2003 prés 90.000 immigrés qui tentaient de débarquer sur les côtes espagnoles), mais surtout par  la proposition si insensée d’organiser des camps et des sélections des demandeurs d’asile en dehors de l’UE dans les pays d’origine ou à proximité des pays d’origine (proposition italienne d’installer des camps en Libye).

Ainsi, sous couvert de gestion rationnelle, l’extraterritorialisaton de l’examen des demandes d’asile à la source plutôt qu’à l’arrivée, déplace le problème en amont et permet comme le dit J-Y. Carlier, « d’éloigner des opinions publiques les réalités vivantes du monde. »

Aujourd’hui, le plus gros contingent d’immigrés en provenance de la Méditerranée du Sud est composé de « clandestins » comme le révèlent les régularisations organisées périodiquement par l’Espagne, l’Italie, la Belgique et d’autres pays. La dernière régularisation organisée en Espagne (mai 2005)concernera prés de 700.000 « clandestins ».Emulant l’Espagne, la France pense, elle-aussi ,à entamer une procédure de régularisation similaire pour ses 200.000 à 400.000 « irréguliers »(estimation de Ministre de l’Intérieur, le Figaro, 11 mai 2005).

Pour réprimer ce type de migration et le tarir à la source, la législation européenne a multiplié des mécanismes de sanction ou de contrôle : sanctions à charge des transporteurs qui acheminent des personnes non munies de via, transmission de données relatives aux passagers, expulsions individuelles ou collectives, accords de ré-admission conclu avec le pays d’origine.

Plus préoccupant encore : la convention internationale des droits de travailleurs migrants et des membres de leurs familles adoptée à l’ONU en 1990 et entrée en vigueur en 2003 n’a été ratifiée pa aucun pays européen à l’inverse du Maroc et d’autres pays méditerranéens qui l’ont ratifiée.

V Les murs invisibles[5]

Ces quelques remarques portent sur les nouveaux flux migratoires et les demandeurs d’asile.  Il convient de revenir un instant sur les formes multiples de discriminations ouvertes ou déguisées dont souffrent les immigrés, surtout d’origine arabe et musulmane dans les pays européens d’immigration.  Ces discriminations ont toujours existé, mais elles se sont multipliées depuis les années 90 et particulièrement après le 11 septembre ?  Elles résultent de l’aggravation de deux processus :  la différenciation et la stigmatisation ethniques[6]. Pour A.Réa, la différenciation ethnique réside dans l’opposition entre le « nous » et le « eux » d’une spécificité imaginaire mobilisant de part et d’autre des référents culturels.  Elle découle soit d’une souscription identitaire (auto définition ethnique) soit d’une prescription identitaire  (des individus d’un groupe minorisé se voient assigner une identité ethnique par ceux du groupe majoritaire).  Cette différenciation identitaire peut relever d’une simple ethnicité symbolique.  Mais elle peut aussi prendre des formes plus affirmées sous forme de « replis communautaires ».  Mais les communautés ainsi produites ne deviennent des minorités ethniques que lorsque la différenciation se double d’une infériorisation dès lors que l’attribut ethnique (par ex : marocain ou turc) est érigé en stigmate.  En Europe, depuis l’arrêt de l’immigration en 1974 et les politique de regroupement familial avec les transformations induites en terme de féminisation de l’immigration, de rajeunissement, ghettoïsation urbaine et de  visibilisation, la stigmatisation des turcs, des pakistanais et des marocains est devenue monnaie courante.  Plus grave, depuis la fin du système bi-polaire et la disparition de l’Union Soviétique et surtout du 11 sept. 2001, la stigmatisation ethnique s’est doublée d’une stigmatisation plus insidieuse encore car elle se fixe sur un nouvel attribut : l’origine musulmane de ces migrants anciens et nouveaux  Au point que dans tous les pays européens, mais à des degrés divers, l’interrogation sur l’Islam s’est transformée en « angoisse collective ».

Cette perception conflictuelle se traduit dans des sondages d’opinion réalisés dans les pays européens où 80% des français pour ne prendre que cet exemple, disent avoir peur de l’Islam.  Certains hommes politique, et pas seulement d’extrême droite, capitalisent sur ces peurs en parlant « d’invasion » ou du « retorno del moro » à propos de l’immigration et en déclarant l’Islam « inassimilable » « in-intégrable » et incompatible avec les valeurs démocratiques des sociétés européennes, voire en le considérant comme une « menace identitaire ».

Est définie ainsi à la fois une frontière interne et externe supposée infranchissable pour des raisons culturelles, alors que ceux qui veulent franchir ces frontières le font en fonction d’une volonté individuelle d’intégration à l’espace européen, notamment de l’image économique et culturelle qu’il projette à l’extérieur[7].

Dans un contexte marqué par de telles « peurs irrationnelles », parler d’intégration des immigrés et de leurs descendants dans la société d’accueil de l’Union Européenne relève de la « musique de chambre », agréable à écouter mais si éloignée des réalités cruelles de la vie de tous les jours.  Les difficultés d’intégration des immigrés et de leurs descendants pose, dans toute son acuité, la question des « murs invisibles ».  La conception courante de l’intégration est souvent définie en termes culturels.  Alors qu’en réalité, les immigrés et leurs descendants font tous les jours l’expérience douloureuse de mécanismes ségrégatifs institutionnels (accès à l’école, à l’emploi, au logement, aux infrastructures, aux loisirs et à une justice pénale neutre).

Les discriminations, ouvertes ou déguisée, et les réactions de rejet dont souffrent les immigrés contraste avec l’image attirante que projette l’Europe d’elle-même, à l’extérieur sous l’effet des « images télévisées » captées grâce aux antennes paraboliques, dans les villages les plus reculé de la zone de proximité de l’Europe. Fascination pour l’Europe qui résulte aussi des modèles de comportements des anciens « émigrés » et de la dégradation de leur société d’origine.

Cette fascination problématique produit chez les jeunes scolarisés souvent inemployés, une sorte de désir ardent de départ , frustré et exaspéré par l’impossibilité d’aller et venir et de participer à cette sorte de festin de la modernité, et ,dés lors , perçu comme une injustice qui contribue à la dépréciation de sa propre société[8].

Ce décalage entre le « désir de l’ailleurs » et  sa « répression quotidienne » attestée par les interminables files d’attentes des demandeurs de visa, devant les guichets des consulats et ambassades des pays d’Europe, produit une relation trouble d’attirance et de rejet, presque une relation pathologique où l’Europe est à la fois aimant et repoussoir, objet de désir et de rejet.

VI. Les migrations dans le partenariat euro-méditerranéen

Dans le troisième volet de la Déclaration de Barcelone, les 27 pays signataires font la différence nette entre les migrations et les « immigrations illégales » mais, le constat est là, aveuglant.  Dans les années 90, l’immigration légale en provenance des partenaires méditerranéen représente seulement 8 à 10% du total de l’immigration en direction des pays de l’UE.  Si donc, les 27 partenaires reconnaissent dans le Déclaration de Barcelone « le rôle important que jouent les migrations dans leurs relations ».  C’est, pour ajouter qu’ils conviennent de coopérer pour « réduire les pressions migratoires au moyen, entre autres, de programmes de formation professionnelle d’assistance à la création d’emploi ».

Ces idées sont reprises lors de la première réunion des experts euro-méditerranéens sur « migrations et échanges humains », tenue à La Haye du 1er au 2 mars 1999.  Mais les experts, plus réalistes que les Etats qu’ils représentent, soulignent la nécessité d’une approche « intégrée et équilibrée » dans le traitement du phénomène des migrations et des échanges, distinguent « migrations et mouvements de personnes », s’opposent à « l’immigration illégale dans un esprit de coopération » mais reconnaissent qu’il « est improbable qu’à court ou à moyen terme, il y aura une diminution des facteurs incitatifs à la migration en provenance du bassin méditerranéen vers l’Europe » et qu’il est même probable que les pays méditerranéens eux-même continueront à faire face aux flux migratoires de l’Afrique Sub-Saharienne et de l’Asie et s’engagent à « garantir la protection de l’ensemble des droits reconnus par la législation existante des migrants légalement installés sur leurs territoires respectifs ».

Mais si la protection des droits des « immigrés installés » est rappelée sans référence aux mesures à entreprendre pour lutter contre les multiples formes de discrimination, dès qu’ils ‘agit de « l’immigration clandestine », des dispositions précises sont prônées, voire inscrites dans les accords d’association : conditions de retour des personne en situation irrégulière (art. 69 accord Maroc – UE), ré-insertion des personnes rapatriées (art. 71), ré-admission.  Cette dernière disposition ne figure pas dans l’Accord Tunisie -UE alors que ce pays fournit une partie importante du contingent des immigrés clandestins vers l’Italie.  Tandis que les dispositions se font plus précises comme dans l’Accord Egypte – UE, conclu après le Conseil Européen de Tampere (15-16 oct. 1999) .  Dans l’article 68 de cet accord signé en mars 2001, les deux parties conviennent de « prévenir et contrôler l’immigration illégale ».  L’Accord Jordanie – UE va plus loin puisque les deux parties non seulement conviennent « d’autoriser le rapatriement de ses ressortissants illégalement présents sur le territoire de l’autre », mais s’engagent aussi  à « autoriser le rapatriement des ressortissants des autres pays et des apatrides arrivés sur le territoire d’une patrie en provenance d’une autre patrie ».En somme, si « un chinois » a immigré illégalement en Grèce en provenance de Jordanie, celle-ci se trouve dans l’obligation de le « ré-accueillir ».

Outre le fait  que la question de la « ré-admission » figure dans les Accords d’association  UE- Pays partenaires méditerranéens, certains pays de l’UE ont signé des accords nationaux de ré-admission avec les mêmes pays, tel l’Accord Espagne-Maroc( de tels accords avaient été suggérés par le Plan d’Action de Valence en 2002). 

Les dispositions de lutte contre l’immigration illégale se font plus sophistiquées que fil des années .L’année 2004 est à cet égard une année charnière qui voit se multiplier les initiatives pour mettre en place un système judiciaire euro-méditerranéen.  L’organisation  à Marrakech (18-20 fév. 2000) d’un séminaire réunissant 9 pays européens et 7 pays méditerranéens pour dresser une typologie des systèmes judiciaires (arabo-musulman, romano-germanique et anglo-saxons)en est  la prémisse.

Les 3 et 4 avril 2000, un séminaire sur « la coopération financière opérationnelle en Méditerranée » pose les jalons d’une coopération douanière et judiciaire euro-méditerranéenne.

A l’issue de la conférence euro-méditerranéenne de Marseille de novembre 2000, les ministres évoquent pour la première fois « un programme régional dans le domaine de Justice et des Affaires Intérieures » en s’inspirant des recommandations du séminaire du mois d’avril et décident même d’organiser  une opération –pilote  de contrôles conjoints en mer en 2001.Tout concourt  ainsi à favoriser la construction d’un dispositif de contrôle renforcé aux frontières de l’Europe, afin de mettre en place « un nouvel espace de sécurité européenne ». Cela transparaît à la lecture du Plan d’Action du Sommet de Valence (2002) des recommendations du Sommet intermédiaire de Crète (mai 2003) et surtout du Sommet euro-méditerranéen de Naples (décembre 2003),même s’il est affirmé ,dans les textes, qu’il convient d’aborder la question « des migrations et des mouvements humains » à la fois  sous l’angle de la sécurité et de la gestion conjointe des flux migratoires[9]

Ainsi, en dépit des vœux pieux et des discours lyriques sur la fraternité euro-méditerranéenne et le « co-développement », la logique d’une « Europe aux européens » semble l’emporter sur la liberté de circulation.  Dans ces évolutions, « les frontières perdent leur sens territorial dans la mesure où le contrôle des flux transnationaux suppose d’un côté, une projection à l’extérieur et de l’autre, une surveillance des populations jugées à risque, installés dans l’espace européen ».  Rarement la question de « l’identité européenne » n’a été posée dans des termes aussi conflictuels entre « Nous » et « Les Autres ».  Que les « Autres » soient  « la banlieue externe » de l’Europe ou ses  banlieues  internes.  J’en veux pour preuve la vigueur des débats sur l’admission de la Turquie à l’UE[10].  En réalité, le problème que pose la Turquie à l’Europe ne relève pas de la géographie physique mais bien davantage de la géographie mentale où des «  limes » imaginaires tendent à séparer l’Europe de ses « étrangers intimes ».  Le problème que pose l’immigration sous toutes ses formes, à l’Union Européenne est donc fondamentalement d’ordre culturel : il était donc légitime de la voir figurer dans le volet « social et culturel » du partenariat euro-méditerranéen. Mais, malheureusement, elle y figure en mauvaise compagnie : trafic de drogue et criminalité organisée, qui sont, eux, des « risques transnationaux ».

VII. L’Europe entre orthodoxie restrictive et politiques réalistes 

Les premiers signes d’une « politique migratoire européenne » sont enregistés au début des années 80, faisant suite à 3 constats significatifs. 

1.      Echec des politiques de « fermeture des frontières » élaborées après 1974 ; puisque l’immigration s’est poursuivie sous différentes formes légales (regroupement familial) et illégale (immigration clandestine et « overs stayers » avec visa touristique ou visa étudiant)

2.      Prise de conscience de l’illusion que chaque Etat membre pouvait gérer isolément

3.      Augmentation des demandeurs d’asile politique en République Fédérale Allemande

Ce n’est pas, dès lors fortuit qu’est signé en 1985 l’accord de Saarbruck qui va donner naissance au système Schengen.  C’est dans la foulée de ces accords que la Commission tente « une coordination contraignante » entre les Etats membres en matière d’entrée, de séjour, d’accès au marché du travail, de lutte contre l’immigration clandestine et de coopération avec les pays d’origine [11].  Cependant, il a fallu attendre 14 ans avant que le Sommet de Tampere en 1999, ne lance un programme d’européanisation des politiques migratoires, axé sur les politiques de contrôle des nouveaux flux et les politiques d’intégration à l’intérieur.  Si les politiques d’intégration donnent lieu à des appréciations contrastées selon les pays, les politiques de contrôle ont été plutôt un échec.  En effet, aucun pays européen n’a réellement essayé ou réussi à interrompre les flux migratoires.  Et cela, en dépit de l’adoption de mesures coordonnées : visa obligatoire, externalisation du contrôle des frontières, politique d’asile, sanctions pour les transporteurs.  Certes, les politique restrictives en matière d’asile ont permis de réduire les demandes de moitié entre 1992 et 2004 (63% des demandes d’asile en Allemagne en 1980 contre 24.3% en 2001). Mais, à l’inverse, on a assisté à une augmentation des flux par voies détournées (visa touristiques et flux clandestins).

Cette augmentation apporte un démenti cinglant à un des présupposés de l’orthodoxie restrictive[12] selon lequel l’économie européenne n’a pas besoin de main d’œuvre étrangère non qualifiée.  En effet, on constate, tous les jours, que dans tous les secteurs économiques on a besoin de ce type de main d’œuvre étrangère.  La ventilation par secteurs de l’immigration en Espagne révèle que pratiquement 90% sont employés dans le secteur de l’aide à domicile, du bâtiment, de secteurs proches des services touristiques et des secteurs inférieurs de l’industrie manufacturière.  Cela vaut pour tous les immigré, surtout pour les marocains (Bernabi Lopez).

Le cas de l’Espagne n’est pas unique.  Dans tous les pays d’Europe du Sud, la demande de main d’œuvre est bien réelle, même si les pouvoirs politiques s’obstinent à ne pas le reconnaître.  D’ailleurs, partout, « les taux d’activité des travailleurs migrant sont bien plus importants que les autochtones ».

L’échec des politiques de contrôle de l’immigration clandestine s’explique par plusieurs facteurs :

1.      La majorité des immigrés irréguliers dispose déjà de contacts et de filières d’amis ou de parents déjà résidents dans les pays d’accueil.

2.      L’économie souterraine dans le pays d’origine du Sud continue à contribuer pour au moins 25% du PNB.  Or, un contrôle officiel des migrations irrégulières supposerait le développement de contrôles intérieurs centrés sur l’accès au marché du travail, chose à laquelle résistent tous les gouvernements.

D’ailleurs, on peut se poser la question de savoir si la participation des « clandestins » à l’économie souterraine n’est pas plutôt un effet qu’une cause des politiques restrictives.  C’est en tout cas ce que démontre M. Carfagna dans le cas italien[13].

Ainsi, l’adoption des immigrés, clandestins ou régularisés (Sommersi e Sanati) dans l’économie européenne apporte la preuve que la demande de travail étranger n’a pas disparu : elle s’est simplement redistribuée suivant l’évolution des marchés de travail européens.

CONCLUSION 

Le partenariat euro-méditerranéen a été fondé sur une illusion : empêcher la liberté de circulation dans un espace contigu.  L’observation des faits de 1995 à 2005 démontre l’inanité d’une telle approche.  Même si les portes officielles de l’immigration avaient été cadenassées, les fenêtres sont demeurées entrouvertes.  

Comme le dit si bien Giuseppe Sciortino : « La « forteresse Europe » n’a jamais réellement relevé ses ponts-levis[14] ».  C’est dire l’écart persistant entre un discours politique restrictif – à finalité électoraliste- et des pratiques politiques pragmatiques de régularisation.  Le vrai problème ne réside donc pas dans la question migratoire elle-même, mais dans la manière dont il est regardé par les Etats européens et leurs citoyens.  L’interprétation sécuritaire qui es est faite est le résultat empoisonné de stratégies de partis politique enclins à instrumentaliser la question migratoire selon des tendances caractérisées par l’exclusion et le replis sur soi.  Cette crispation sécuritaire sur l’Etranger, surtout le plus proche, comme c’est le cas des maghrébins, non seulement se heurte à la pérennisation du fait migratoire et à la réalité de la réussite démographique et économique de l’immigration dans un continent vieillissant, mais est aussi le symptôme de la perte des repères.  L’Etranger, l’immigré, « l’outsider , figure saisissable –à tous les sens du terme- fait métaphore pour l’insaisissable, la globalisation du capital de l’information, du pouvoir[15] ».

Ceci explique les écarts entre discours et politiques, entre logique sécuritaire et logique économique, qui conduisent les Etats à évoquer tantôt « des centre de rétention », tantôt des « centres de tri » et tantôt des « portails d’immigration »…

Ainsi, en Méditerranée comme ailleurs, un processus social (l’immigration) qui s’est toujours produit, depuis la nuit des temps, est devenu une « question collective, puis un problème public, un enjeu politique enfin[16] ».

Ce n’est pas étonnant, dès lors que « l’immigration » agit dans le cadre du partenariat euro-méditerranéen, comme un « révélateur politique » de toutes les ambiguïtés (l’immigration vue comme « risque transnational » au même titre que le trafic de drogues) et de toutes les incohérences (discours restrictifs et politiques pragmatiques).

Qualités d’ « extra communautaires », l’immigré est d’abord ce qui n’est pas de la « communauté européenne ».  le paradoxe est que les retraités allemands ou scandinaves qui vivent en Espagne sont moins empressés à apprendre la langue espagnole que l’immigré marocain, alors que la connaissance de la langue est un levier de participation à la « vie en société ».

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[1] Erwan Lannon : La politique Méditerranéenne de l’Union Européenne.  Thèse, Université de Rennes, 2002 p.628

[2] Voir l’excellent article de Dimitri Chrussochoou : « Organising the mediterrranean : the state of the Barcelona process » in Agora without frontiers, vol.9, n°4, 2004

[3] Jean-Yves Carlier :  « Union européenne : quelle politique migratoire ? » in La Revue Nouvelle, Bruxelles, mars 2005, p.85

[4] Bichara Khader, : « Elargissement à l’Est et impact sur les pays arabes et méditerranéens »,  in  Euromesco Papers,Lisbonne, 2003

[5] Bichara Khader : El Muro invisible, Icaria, Barcelona, 1995

[6] Andréa Réa : « Discriminations positives entre fragmentation sociale et normalisation » in Revue Nouvelle mars 2005

[7] Remy Leveau : « Espace, culture ,frontière :projection de l’Europe à l’extérieur »,in Riva Kastoryano, :Quelle identité pour l’Europe , Sciences Po Presses, Paris , 2005, p.333

[8] Remy Leveau, art.cit.p.329

[9] voir l’article de synthèse de Gema Aubarell : «L’année des migrations en Méditerranée »,in Med.2003,IEMED-CIDOP,pp.207-210

[10]  voir le dossier  de Questions Internationales sur “la Turquie et l’Europe”,documentation française,Paris, no.12,mars-avril 2005

[11] Guidelines for a Community Policy of Migrations, Bulletin of the European Commission, supplément 9/1985

[12] Giuseppe Sciortino : « La politique migratoire européenne : une orthodoxie restrictive » in Evelyn Ritaine : « L’europe du Sud face à l’immigration : politique de l’ étranger » PUF, Paris 2005, p.223

[13] M. Carfagna :  « I Sommersi e i sanati : le regolarizzaeioni dgli immigrati in Italia » in A. Colombo, G. Sciortino (ed.) Assimil-ti ed esclusi, Bologna, Il Mulino, 2002

[14] G. Sciortino : art.cit. p.256

[15] Evelyne Ritaine : of cit. p.268

[16] idem, p. 2