La
Méditerranée: Identité culturelle et perspectives d’un dialogue
interculturel Matrice
de civilisations exceptionnelles, lieu d'émergence des trois grandes
religions monothéistes, source d’inspirations de poètes, d’écrivains
et de philosophes mais en même temps espace de toutes les barbaries,
berceau de tant d’intégrismes et creuset de multiples formes de
replis identitaires, la Méditerranée est décidément une région bien
particulière. Depuis
toujours la Méditerranée se présente sous deux visages antagoniques,
tour à tour exaltés selon les nécessités ou les approches épistémologiques:
le visage unitaire, celui de berceau des civilisations, et le visage
conflictuel, en tant que foyer de tensions séculaires plus que jamais
vivantes. La
référence à des religions principalement monothéistes participe tout
à la fois de l'identité commune et de la différence, la ville de Jérusalem
en étant le symbole. Si l'on considère que le religieux n'est qu'une
composante du culturel, les grands domaines linguistiques modèlent
aussi la Méditerranée : langues chamino-sémitiques, indo-européennes,
ouralo-altaïques. Certains conflits de valeur se cristallisent autour
de la conception anthropologique de l'individu, de la famille, de la
communauté. Ainsi, la structure de la communauté des croyants dans
l'Islam (Umma)
s'oppose à l'idée européenne de la nation, collection d'individus
plutôt que de familles. Mais,
dans tous les cas, il ne s'agit pas de blocs homogènes. L'histoire, le
brassage des populations, les diasporas, ayant brouillé les cartes,
l'analyse du fait culturel dépendra des niveaux d'échelle étudiés :
à plus grande échelle, il conviendra d'analyser les lieux et les
formes de mixités ou de coexistences culturelles (communautés
musulmanes en Europe, communautés chrétiennes dans les Pays Sud Est Méditerranéens). Toute
cette réflexion conduit à souligner avec force l'importance et la nécessité
du dialogue qui doit être noué partout où cela est possible pour
tenter de rapprocher les uns des autres et pour rappeler que si l’on
ne veut pas que cette Méditerranée bascule à nouveau ou davantage
dans les conflits et la régression comme elle l’a déjà fait en
Bosnie, en Algérie, au Liban, en Palestine ou ailleurs, le débat doit
s’instaurer. Non pas de manière superficielle et contrainte, non pas
dans une stérile incantation, non pas pour se perdre dans de vaines
discussions sur le dialogue en soi mais bien en intégrant une lucide
vision de l’avenir qui fait trop souvent défaut à tant de
“responsables” littéralement murés dans leurs certitudes
politiques, religieuses ou corporatistes, comme si certaines décisions
d’aujourd’hui ne portaient pas en elles les drames de demain. Le
dialogue, et donc d’abord la volonté de rencontrer l’autre, est
partout une entreprise extrêmement difficile. Le dialogue, forme
essentielle de l'humanisme est bien la seule voie possible qui permet de
dépasser de manière féconde ces multiples blocages pour enfin croire
en l’avenir et s'y projeter. C’est
dans cette optique que La
Déclaration de Barcelone de 1995 énonce, au chapitre III, la nécessité
d'établir un dialogue entre les cultures et les civilisations dans le
cadre des sociétés de la région méditerranéenne. Le plan d'action
adopté lors de la Conférence euro-méditerranéenne des ministres des
affaires étrangères tenue à Valence les 22 et 23 avril 2002 comporte
un mandat pour la création d'une Fondation euro-méditerranéenne pour
un dialogue entre les cultures et les civilisations. C’est ainsi que lors de la conférence euro-méditerranéenne des ministres
des affaires étrangères à Naples, 2- 3 décembre 2003, il a été
convenu de lancer la Fondation euro-méditerranéenne pour le dialogue
entre les cultures. La
question que l'on se pose concerne l’habilité de cette nouvelle
structure à promouvoir l’idée d’une "identité plurielle méditerranéenne",
d’un "être au monde méditerranéen", de la "pensée méridienne"
soulignant "qu’il faut rendre à la Méditerranée son ancienne
dignité de pensée, rompre avec une Méditerranée pensée par les
autres. Une Méditerranée qui pense la Méditerranée ?
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